BOOMTOWN HOLY VOID
Boomtown Holy Void aborde ce qu’il reste du dernier grand effort de colonisation en Amérique du Nord : l’Abitibi-Témiscamingue et le nord de l’Ontario, l’ultime frontier land canadien. Le terme boomtown désigne ces villes-champignons qui émergent – et s’effondrent – dans le sillage d’industries comme l’exploitation minière. Des villes surgies du roc, des mines bénies par les évêques, des orphelins envoyés en mission agricole : autant de récits fragmentés qui tissent la trame du projet.
Mais cette colonisation s’est opérée sur fond d’expulsions violentes, notamment celles des peuples autochtones – Anicinabek, Cris, Nipissing – qui habitaient, chassaient et circulaient librement sur ces territoires. À la dépossession territoriale s’est ajoutée une entreprise d’assimilation forcée, dont les répercussions se font toujours sentir, tant dans les communautés que dans les écosystèmes. La crise environnementale actuelle, comme celle de l’arsenic à Rouyn-Noranda, en est une manifestation éloquente. À ces frontières coloniales se superposent celles de la langue et de la classe : des Canadiens français ont quitté leurs terres agricoles infertiles pour aller creuser les mines, perdant souvent langue et culture en Ontario. Des immigrants venus d’Ukraine, de Pologne, d’Irlande, d’Italie – souvent en fuite devant la guerre ou la famine – se sont joints à cette économie minière. Tous partagent une condition marquée par la précarité, le déracinement et l’effacement.
Aujourd’hui, une nouvelle ruée vers les métaux critiques se dessine. Des galeries minières rouvrent, des quartiers sont expropriés. La série questionne les effets persistants de ces cycles extractifs en adoptant un regard oblique, par l’envers du décor, sur un territoire-frontière où les promesses de progrès continuent de rejouer, étouffant peu à peu l’idée qu’un avenir puisse exister hors de l’industrie ou selon d’autres rapports. En interrogeant le présent à la lumière des ruines et des survivances du passé, Boomtown Holy Void brouille les lignes entre l’abandonné et l’habité, entre ce qui persiste et ce qui s’effondre. Le projet invite à repenser notre rapport au territoire dans une perspective d’agentivité : imaginer, choisir et façonner les futurs possibles.